Pendant la prière : les différentes étapes…
La prière en elle-même se décompose en plusieurs étapes :
Un visage du Christ peint par C. Pastro
© archives du monastère Nossa Senhora da Paz.
Suggestions :
Pour Saint Ignace ce «prélude» a pour but de se «rappeler l’histoire du mystère que l’on doit contempler» (E.S 102). On peut donner comme consigne une écoute attentive et respectueuse puisque c’est comme si Dieu nous parlait à travers ce texte.
La lecture peut se faire, soit à partir des fiches, soit à partir d’une Bible ce qui présente l’avantage de montrer explicitement aux enfants que les textes lus appartiennent à un ensemble plus vaste. Les enfants peuvent avoir le texte écrit sous les yeux mais il est également bon qu’ils se concentrent sur l’écoute et cherchent à retenir l’histoire racontée : «la «foi entre par la parole entendue» (Cf Rm 10,14) et l’Histoire du Salut a été écrite pour être contée» (L. Nardín). Pour favoriser cette attention, on peut penser à demander aux enfants (ou à un enfant en particulier, différent à chaque séance) de reconstituer l’histoire brièvement à la fin de la lecture.
Cette lecture doit se faire à voix haute, lentement, très clairement, elle doit être bien articulée pour être facilement compréhensible de tous. C’est généralement la personne qui guide la prière qui la fait, on pourra éventuellement recourir parfois à des enfants à condition qu’ils lisent bien (si on choisit cette dernière option, on peut penser à donner le texte à l’avance à l’enfant pour qu’il s’entraîne). Si des termes sont trop obscurs, (par exemple si le texte parle de «drachme») on donnera un synonyme pour favoriser la compréhension («monnaie»). Comme le suggère aussi le père Leonardo dans l’introduction de son manuel, «on peut mettre l’accent sur certains aspects, en jouant par exemple sur l’intonation, mais toujours dans le but d’une meilleure compréhension». On termine la lecture par «Parole du Seigneur» pour rappeler ce qui se dit à la messe.
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Au cours de cette phase on s’assure, par des questions, des informations que la compréhension du texte est correcte, en particulier la «compréhension du sens des actions et des paroles du Seigneur et de celles des autres personnages qui interviennent, afin que les enfants tirent le meilleur bénéfice de la contemplation» (L. Nardín). On apporte donc tout ce qui apparaît nécessaire pour éviter les ambiguïtés ou malentendus, que ce soit sur des mots de vocabulaire, des expressions, des traits culturels, un contexte historique particulier… par exemple, en fonction des textes médités, il pourra être utile de rappeler ce qu’est une parabole, d’évoquer l’attente du Messie dans le peuple juif, d’expliquer le rejet dont étaient victimes les collecteurs d’impôts ou les lépreux, les tensions entre Juifs et Samaritains, de situer l’ensemble de l’Evangile dans le contexte de l’occupation romaine etc… Au cours de cette première phase, on peut commencer également à évoquer quelques unes des idées importantes contenues dans le texte, par exemple, l’humilité de Marie au moment de l’Annonciation, la joie au moment de la Visitation, l’émerveillement dans l’adoration des petits bergers, la compassion dans la parabole du Bon Samaritain, la miséricorde dans celle du fils perdu et retrouvé etc…
C’est le moment au cours duquel l’enfant va vraiment imaginer la scène. Pour qu’il puisse entrer vraiment dans ce processus, il est fondamental qu’il ait les yeux fermés, qu’il soit calme et le plus possible concentré, à même de descendre en lui. Il revient à la personne qui guide de l’aider à créer ces conditions en veillant en permanence à ce que les yeux soient fermés, qu’il n’y ait pas de communication entre enfants, pas de perturbation extérieure. Si un enfant ouvre les yeux très rapidement sans que manifestement il ait eu le temps d’imaginer quoi que ce soit, on l’encouragera par des signes de la main, à refermer les yeux. comme le souligne L. Nardín : «Sans fermer les yeux, il est difficile, quasiment impossible, de contempler les scènes bibliques comme Saint Ignace le propose. Il convient alors de féliciter ouvertement l’enfant qui aura réussi à le faire tout le temps de la contemplation afin qu’il serve d’exemple aux autres et il ne faut pas traiter à la légère la difficulté de certains à garder les yeux fermés. Il y a là un investissement en temps nécessaire à réaliser pour que tous les enfants acquièrent cette habitude.»
Tout guide constatera que certains enfants sont incapables de fermer les yeux… avant d’avoir trouvé la clé avec eux, il est important qu’au moins ils restent calmes et silencieux.
Le temps à consacrer à cette période dépend des enfants. Quand on voit qu’ils commencent à bouger un peu, on peut passer à la phase suivante. Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Une image peut nous marquer en une fraction de seconde. Il faut savoir que la capacité de concentration des enfants, les yeux ainsi fermés, dépasse rarement les 20 secondes, mais cela suffit pour imaginer à quoi pouvait ressembler la maison où Jésus a grandi, ou comment il a mis de la boue sur les yeux d’un aveugle… il faut encourager, inciter, mais ne pas forcer ou pire encore se moquer ou se fâcher. C’est la même attitude à adopter pendant le partage qui suit cette phase de silence.
1) La mise en présence du Seigneur.
⏱En résumé : il s’agit d’une étape importante au cours de laquelle on apaise le corps et l’esprit en profondeur et on se place sous le regard empli d’amour du Seigneur.
2) La lecture de l’histoire.
⏱En résumé : on lit à voix haute la Parole de Dieu dans la plus grande clarté possible et on veille à ce qu’elle soit écoutée avec attention et respect et comprise.
3) La prière de demande.
⏱En résumé : on est prêt à suivre quelqu’un au bout du monde quand on l’aime vraiment et on ne peut aimer que ce que l’on connaît. On demande donc à Jésus de pouvoir mieux le connaître pour l’aimer davantage et mieux le suivre, le servir.
4) La contemplation.
⏱En résumé : c’est le moment central où l’imagination entre en jeu. Il est décomposé en plusieurs sous-parties. Dans chaque sous-partie, on commence par apporter les éclairages nécessaires à une juste compréhension du texte, puis on donne des consignes pour aider les enfants à imaginer, ce qu’ils font ensuite en silence, yeux fermés, puis chacun partage ce qu’il a imaginé.
Précisions :
C’est le moment central de la prière, là où l’imagination entre véritablement en scène pour produire ses fruits. Dans les fiches, ce moment est décomposé en deux ou trois sous-parties. Les textes sont généralement en effet tellement riches qu’il serait difficile pour des enfants de tout appréhender en bloc. Des adultes peuvent le faire, c’est d’ailleurs ce qui se pratique dans certains exercices spirituels, mais même chez les adultes, Saint Ignace décompose souvent les scènes de la façon suivante: d’abord «voir les personnes», puis «écouter les paroles» et enfin «considérer les actions». Pour lui, il convient d’imaginer la situation «comme si je me trouvais présent». Pour parvenir à cela avec des enfants, il faut les guider et bien décomposer chaque scène globale en différentes sous-parties. Chacune de ces sous-parties se décompose elle-même en 4 parties:
1) Les éclairages nécessaires pour bien comprendre de quoi il s’agit.
2) Les consignes sur ce qui va être imaginé.
3) Le silence de l’imagination.
4) Le partage de la contemplation.
5) Le « colloque ».
⏱En résumé : riche de ce qui a été contemplé, imaginé, c’est un moment fort de prière où chacun s’adresse directement à Jésus dans le secret de son cœur.
6) Prière et action de grâce collective
⏱En résumé : Après le silence du colloque, on retrouve une dynamique de prière plus collective et on termine par le Notre Père à voix haute.
Suggestions :
Pour nous mettre en présence de Dieu, Saint Ignace nous invite simplement à «considérer comment Dieu, notre Seigneur, nous regarde» (E.S 75). Il convient de s’arrêter un moment pour faire l’expérience du regard de Dieu, un regard empli de bonté, de miséricorde et d’amour. Pour parvenir à imaginer le regard de Dieu posé sur nous, il est bon de commencer par calmer, apaiser le corps et l’esprit en profondeur. Pour ce faire, on peut respirer profondément plusieurs fois, bien assis, les pieds posés au sol. On peut ensuite également pratiquer plusieurs petits exercices pour arriver à descendre de plus en plus en profondément en soi et se centrer de manière plus efficace sur la présence de Dieu… par exemple, les yeux fermés, écouter les bruits extérieurs… puis après un instant suggérer de laisser de côté les bruits extérieurs pour écouter ceux de l’endroit où on se trouve (église ou salle de prière)… puis, de nouveau, après un instant, laisser de côté ces bruits-là et entrer en soi, pour écouter le bruit de sa propre respiration… puis les battements de son cœur… puis suggérer de descendre profondément en soi, dans la partie la plus silencieuse où Dieu est là… Il nous regarde avec un amour infini et veut nous rencontrer…
On peut également imaginer que Jésus vient au loin et s’approche de nous avec ce désir immense de nous rencontrer et de nous parler. On imagine alors le regard empli d’amour et de tendresse de Jésus posé sur nous.
D’une manière générale, imaginer les yeux de Jésus nous fait entrer de plain pied dans cette mise en présence du Seigneur.
Autre méthode: écouter un chant qui évoque cette présence de Jésus (enregistré sur son téléphone par exemple).
Cette étape est importante, elle détermine en partie la qualité de ce qui va suivre. S’il s’agit d’un groupe d’enfants, il faut veiller à ce que tous soient calmés et disposés à la prière, un enfant qui demeure agité peut facilement perturber ensuite le groupe, même sans le vouloir. Il est important d’y consacrer le temps nécessaire qui dépend toutefois de la capacité de concentration des personnes concernées. S’il s’agit d’enfants, quand ils commencent à s’agiter, cela signifie que leur capacité de concentration est épuisée, il convient alors de passer à l’étape suivante.
Une fois qu’on se sent en présence du Seigneur, on peut inviter à faire le signe de la Croix qui marque vraiment l’entrée dans la contemplation et la prière, qui vont commencer par la plongée dans la Parole de Dieu.
Précisions :
Saint Ignace incite à demander une grâce pour chaque prière. Dans cette proposition de méthode de prière, on utilise la demande que St Ignace propose dans les contemplations de la deuxième semaine d’exercices spirituels : « la connaissance intime du Seigneur… afin de l’aimer avec plus d’ardeur et de le suivre avec plus de fidélité » (E.S 104).
On observera que cette formule comprend trois verbes principaux dont l’articulation est parfaitement logique : connaître afin d’aimer pour pouvoir suivre. Dans toute relation humaine, c’est la même chose, pour aimer quelqu’un il faut le connaître, et quand on aime vraiment une personne, on a confiance et on est prêt à la suivre jusqu’au bout du monde… non ? Il en va de même avec Jésus et c’est pour cela qu’on lui demande cette grâce, car il s’agit bien d’une grâce et non de quelque chose qu’on acquiert à la force du poignet ou par notre intelligence, si grande soit elle… C’est Dieu qui se donne à connaître et qui dans tous les cas, nous aime toujours le premier. D’ailleurs, «parfois il nous laisse dans notre sécheresse ou notre «désolation» afin que nous ressentions que cette connaissance intérieure profonde ne nous est pas accessible par nos propres moyens ou mérites (cf la règle 9 du discernement de la quatrième semaine des Exercices spirituels E.S 322).» (L. Nardín) Donc on formule une demande ce qui en outre, selon les Pères de l’Eglise «a pour effet d’augmenter le désir du cœur ce qui permet de recevoir la grâce en plus grande quantité. «Le désir élargit le cœur et en l’élargissant, il augmente sa capacité de recevoir» dit Saint Augustin. Dieu a bien plus envie que nous de se donner à connaître et d’entamer une relation d’amitié. Ainsi, plus le désir est profond, plus la place que nous faisons à Dieu est grande, pour qu’il se manifeste en nous par sa Présence vivante et efficace.» (L. Nardín).
Très concrètement, la prière proposée ici est la suivante (on peut évidemment envisager des variantes) : Seigneur, donne moi de te connaître en profondeur, pour pouvoir t’aimer davantage et te suivre de tout mon cœur. On peut la décomposer en trois parties, la personne qui guide la prière parle et les enfants répètent derrière lui. Les enfants finissent par la mémoriser et l’intérioriser. Au bout d’un certain temps, en particulier s’ils sont déjà assez grands, ils peuvent eux-mêmes formuler la demande en silence, dans leur cœur. Ce dernier aspect pourra être adopté rapidement par des adultes mieux à même de comprendre le sens, la logique et la profondeur de la demande ainsi fondée sur les trois verbes clés.
L’autre option suggérée par le père Leonardo dans l’introduction de son manuel «est de développer le sens de la demande avec nos propres mots. Là aussi, le guide parle en premier et les enfants répètent (R). Par exemple :
Le guide : _ Jésus, je te demande de pouvoir te connaître en profondeur (R), de savoir comment tu vis (R), ce que tu penses (R), ce que tu fais (R), pourquoi tu le fais (R), ce que tu ressens en toi (R). (On peut aussi demander quelque chose en rapport avec le thème de la contemplation : pourquoi t’es-tu fait homme dans le sein de la Vierge ? Pourquoi as-tu guéri l’aveugle ? etc…).
_ Pour qu’en te connaissant ainsi (R), je t’aime davantage (R) ou je t’aime chaque jour davantage (R), ou je pense davantage à toi (R) ou je ressente davantage d’amour pour toi (R).
_ et je puisse te suivre de plus près (R), ou être davantage ton ami (R) ou être chaque jour plus proche de toi (R) ou te ressembler davantage (R) ou ressentir les choses comme toi (R) ou accomplir les mêmes œuvres que toi (R) ou partager tes préférences, tes goûts, ton style de vie (R) ou m’engager davantage avec le prochain (R) etc..»
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C’est le moment clé. Ainsi que le souligne L. Nardín dans l’introduction de son manuel : «C'est un vrai défi, tant sur le fond que sur la forme, que de réussir à trouver la consigne de contemplation adéquate. Il faut arriver à ce que la façon de se situer dans la scène assure aux enfants la meilleure connaissance possible du Seigneur. Tout ce qui peut stimuler «les affects», dans le sens de l’attachement, sera le bienvenu. En effet, la connaissance du Seigneur, comme celle de toute personne passe par l’affection, par l’amour. La consigne de contemplation a pour objectif que les enfants visualisent et intègrent du mieux possible les différentes scènes, qu’ils s’efforcent d’imaginer le plus grand nombre de détails possible sur ce qui est alors vécu par le Seigneur. Ce processus interne met en jeu la mémoire, l’affectivité, la volonté, l’intelligence, la capacité d’imagination etc… une série de mécanismes intellectuels complexes qui englobent tout l’univers intérieur de la personne.»
En arrière plan des consignes qu’on va donner figurent les messages que Jésus essaie de faire passer dans l’extrait d’Evangile médité, selon ce que l’on peut en percevoir… Ce sont eux qui guident et orientent l’imagination, par exemple, dans la parabole du Bon Samaritain, si l’on considère que le message central de Jésus est celui de la compassion alors on va orienter les consignes d’imagination en ce sens : ressentir ce que l’homme blessé et ignorer peut éprouver, ressentir ce que les deux premiers passants peuvent éprouver (en l’occurence le manque de compassion parce qu’ils ont d’autres principes, d’autres priorités), ressentir la compassion dans le cœur du Samaritain… dans la méditation sur les petits bergers, si on retient la joie de l’émerveillement comme thème central, on va peut-être pouvoir orienter l’imagination vers la joie et la louange des anges au Ciel puis vers celles des petits bergers, tout émerveillés de voir ce qu’ils voient.
Il y a un équilibre délicat à trouver dans les consignes données aux enfants entre l’aide à leur fournir et la liberté qui doit leur être laissée d’imaginer afin que l’Esprit de Dieu souffle pour chacun. Des consignes trop nombreuses ou précises risquent d’enfermer l’expérience dans des considérations qui sont celles de l’accompagnateur. L’absence de consignes peut laisser les enfants désemparés. Il faut arriver à guider sans diriger et il n’est pas dit qu’on y arrive parfaitement tout le temps… l’expérience seule permettra de préciser les choses.
Les consignes doivent aider à imaginer la scène «comme si on était présent» ainsi que l’évoque saint Ignace (E.S 114); on commence donc souvent par la «composition du lieu» (E.S 112), le paysage, les personnages (à quoi ils ressemblent, ce qu’ils font, ce qu’ils peuvent penser etc..). Il s’agit de bien visualiser les actions décrites, comme s’il s’agissait d’un film et ensuite d’entrer dans ce film, «d’enfiler les vêtements d’un des personnages (qu’il s’agisse d’un malade, d’un apôtre etc…) pour se trouver face-à-face avec Jésus et échanger avec lui. Par ailleurs, le fait d’imaginer également ce que Jésus éprouve dans son cœur ou ce qu’il ferait face à cette situation, aide à ressentir de manière vivante le mystère contemplé; il n’est plus question, alors, d’être un spectateur passif mais au contraire de prendre corps pour se laisser interpeler, éclairer par la situation, par le regard, le geste du Seigneur, l’attitude de chaque personnage.» (L.N).
Chercher à rendre Jésus et les scènes de l’Evangile les plus concrets possibles est un moyen d’entrer dans l’intimité du Seigneur et d’appréhender la réalité de sa vie avec tout notre être. Quand le théologien H.U. von Balthasar paraphrase Paul Claudel en écrivant « Ce n’est pas l’esprit seul qui parle à l’esprit, c’est la chair qui parle à la chair » (La gloire et la croix, t. 1, Paris, 1968) il ne dit probablement pas autre chose. A. Bastit reprend cette citation et l’applique à St Irénée : «Le lecteur, au fil des textes d’Irénée qui sont présentés ici, verra une succession de séquences, proches de plans cinématographiques, où il entendra Dieu parler comme « une chair qui parle à la chair » (cf l’extrait de son introduction dans «sources» sur ce site en cliquant ici).
De manière pratique, en fonction de l’âge des enfants, on donnera une consigne générale ou plutôt on décomposera la consigne en plusieurs étapes car il peut être difficile à des enfants de bien gérer leur imagination si la scène à imaginer est complexe (plusieurs personnages, plusieurs actions). Soit on donne les différentes consignes bien explicitées au début du temps consacré à la contemplation, soit on accompagne la contemplation en respectant des temps de silence pour imaginer chaque sous-scène, dans ce cas, on veillera à ne pas trop parler et à le faire avec douceur pour orienter légèrement l’imagination sans la gêner. C’est l’Esprit qui reste le seul maître à bord et qui fait imaginer à chaque enfant ce qui est bon pour lui.
On commencera chaque consigne par «nous allons fermer les yeux et imaginer…» ou une formule équivalente.
Quelques consignes de contemplation sont proposées dans les fiches. Mais je dirais la même chose que le père Leonardo au sujet des consignes dans ses propres fiches : «au fur et à mesure que la personne qui guide prend confiance, elle peut faire varier ou même élaborer ses propres indications, modifier, ajouter ou éliminer des éléments de la fiche s’il s’avère nécessaire de l’adapter au groupe ou pour mettre l’accent sur un point particulier. Le défi est d’arriver à se faire comprendre et ce faisant, d’aider à pratiquer les exercices spirituels.» N’oublions pas qu’Ignace est très soucieux d’adaptation toujours possible.
Après chaque petit temps d’imagination en silence (rappelons qu’il y a 2 ou 3 sous-parties et que dans chaque sous-partie on prévoira un ou maximum deux temps d’imagination), on propose aux enfants de partager ce qu’ils ont imaginé. Ce partage a plusieurs vertus : mieux fixer ce qui vient d’être imaginé, créer une communion au niveau du groupe, stimuler des enfants qui auraient de la peine à imaginer, leur donner des idées, encourager à formuler à l’oral quelque chose qui vient de la profondeur de leur être, les habituer à parler en public… Plus les enfants sont jeunes, plus ils parlent; pour des adolescents, cela devient plus compliqué. Il faudra donc avoir une attitude adaptée au public, veiller à limiter la prise de parole afin que tous puissent parler dans un cas, stimuler, encourager dans l’autre. On veillera évidemment à ce que personne ne se moque de ce que l’autre a dit. À chaque partage, on s’assure qu’il a bien été entendu et compris par les autres, si l’enfant parle trop bas, on n’hésitera pas à répéter ce qu’il vient de dire de manière à ce que tout le monde en profite. Le guide valorisera chaque prise de parole. L. Nardín dans ses ateliers de formation évoque trois possibilités par rapport à ce que les enfants partagent… 1) ce qu’ils disent est cohérent et n’entre pas en contradiction avec l’Evangile (ex: la maison où a grandi Jésus était rose…) : on valorisera en disant par exemple «oh elle a l’air très belle cette maison rose, très bien»… 2) on a un doute sur ce qu’ils disent (ex: la maison n’avait aucune fenêtre ou c’était l’atelier de Joseph), on réagira alors au minimum : «ah bon ?»… 3) ce qu’ils disent n’est pas cohérent avec l’époque ou avec la personnalité de Jésus (ex: la maison avait un antenne parabolique ou Jésus n’arrêtait pas de se battre avec ses camarades), dans ce cas-là, ce qui est le plus efficace sans bloquer l’enfant est de recourir à l’avis des autres en disant par exemple : est-ce que ça existait la TV et les antennes paraboliques à l’époque de Jésus ? ou est-ce que vous croyez vraiment que Jésus était violent et se battait avec ses copains ? très logiquement les autres enfants vont répondre «non» et alors le guide pourra confirmer.
On acceptera la possibilité que les enfants n’aient rien imaginé ou qu’ils ne veulent pas partager… si vraiment personne ne veut partager, on réfléchira à la possibilité de donner la parole à chaque enfant, l’un après l’autre (en suivant l’ordre dans lequel ils sont assis par exemple) en leur laissant la possibilité de dire «je passe mon tour». On se souviendra dans tous les cas que l’imagination est le fruit de mécanismes complexes profondément personnels qui engagent la psychologie de l’individu. La personne qui guide régulièrement le même groupe se rendra compte qu’il s’agit d’un moyen de mieux connaître la personnalité d’un enfant. Il faut donc accueillir avec bienveillance et compassion ce qui sera partagé et en aucun cas, ne chercher à faire de la «morale» !
Chacun(e) verra ce qui est le mieux pour les enfants de son groupe.
Après la dernière phase de partage de la dernière contemplation, il y a ce que Saint Ignace appelle le «colloque» (E.S 53-54).
Précisions :
Au fur et à mesure de l’expérience (qui rappelons-le a commencé en 1998), il s’est avéré pertinent ici de changer de place pour aller s’asseoir sur un tapis devant la croix ou le tabernacle ou l’image de Jésus. L’idée est triple : marquer une légère rupture dans la continuité de cette prière de manière à souligner l’importance de ce qui va suivre; être physiquement plus proche de Jésus pour ouvrir davantage son cœur à l’échange qui va avoir lieu ; se faire plus petit, s’abaisser physiquement afin d’entrer plus explicitement dans une position d’humilité face à Dieu. Ce tapis a pris, au fil du temps en Argentine, le nom de « terre promise », « cœur de Jésus », « lieu de la rencontre », ce n’est évidemment pas une obligation (rien ici n’est obligation, tout n’est que suggestion !) mais c’est plus suggestif et spirituel que simplement évoquer l’objet «tapis» !
Peu importe le nom qu’on lui donne, ce qui compte c’est ce qu’on y fait et ce qu’on y fait, c’est entrer dans un échange personnel avec Jésus à partir de ce qui a été contemplé et qui est donc inscrit dans un contexte précis et autour d’une thématique précise. Il s’agit donc d’un moment très important où l’enfant va imaginer qu’il est dans un cœur-à-cœur avec Jésus et qu’il va pouvoir lui dire ce que la contemplation lui a inspiré. Ce peut être un moment fort où l’enfant ressent la présence de Dieu, s’engage éventuellement à faire quelque chose, ou demande quelque chose qui lui tient à cœur. Là aussi, en fonction de l’âge des enfants, il convient d’aider à entrer dans cet échange, en rappelant un ou plusieurs aspects de ce qui a été contemplé (ce qui nous semble le plus important) et en invitant à dire ou faire quelque chose qui va dans le même sens… par exemple, autour de l’Annonciation, on peut inviter l’enfant à imaginer qu’il pose ses mains sur le ventre de Marie pour essayer de sentir le petit Jésus et on peut lui suggérer de parler à Marie ou à Jésus; autour de la visite des petits bergers, on peut encourager les enfants à chanter dans leur cœur la louange de Dieu comme les anges ou à dire qu’ils veulent toujours être comme les petits bergers qui courent voir Jésus; autour d’une guérison opérée par Jésus, on peut inviter l’enfant à demander à ce dernier de mettre ses mains sur son cœur pour le guérir etc… comme le dit L. Nardín : «En résumé, il faut trouver quelque chose de simple pour qu’ils fixent leur attention sur la personne du Seigneur, qu’ils fassent l’expérience de sa Présence et qu’ils conversent avec Lui.»
Ce n’est pas nécessairement très simple mais là-aussi, comme pour le reste, il faut faire confiance à l’Esprit Saint et se laisser conduire par lui, du début à la fin de la prière, ce doit être lui le seul véritable guide !
Précisions :
Le silence nécessaire au colloque intérieur (qui ne se partage pas) peut s’achever par une invitation du guide à formuler de manière collective des prières à voix haute, soit d’intercession, soit d’action de grâce. En Argentine, les enfants profitent généralement de ce moment pour demander la guérison d’un proche, ou quelque chose de bon pour un membre de leur famille, un ami etc… Pour ce faire, ils invoquent souvent Marie. Pour encourager cette démarche qui n’a rien d’obligatoire évidemment, le guide peut l’initier, il peut aussi inviter à l’action de grâce, à dire simplement merci à Dieu pour les grâces reçues, pour la vie qu’il nous donne, pour ce moment de prière etc…
Dans tous les cas, le temps de prière s’achève par le Notre Père dit tous ensemble à voix haute. C’est une bonne manière de réaffirmer de manière collective notre statut d’enfants de Dieu.
Ensuite, on propose aux enfants de sortir en silence en disant au revoir à Jésus par le même geste utilisé lors de l’entrée (inclination, génuflexion etc…). On les retrouve alors à l’extérieur du lieu consacré à la prière pour un petit temps de relecture.